Comment vivre sereinement de sa passion ?

Passion & Entrepreneuriat :
Comment vivre sereinement de sa passion ? 

Après une première carrière en entreprise, de plus en plus de femmes sautent le pas de l’entrepreneuriat. Les chiffres de l’Insee [1] le confirment : les femmes représentent aujourd'hui 41 % des créations d'entreprises individuelles, soit deux fois plus qu’il y a dix ans.

Ces reconversions professionnelles ne relèvent pas du hasard ; elles traduisent souvent une lassitude face à un salariat qui ne fait plus sens. Cette aspiration est d'ailleurs confirmée par une étude Audencia[2] : 92 % des personnes en reconversion cherchent avant tout un métier "qui a du sens", aligné avec leurs valeurs. Quand le moral ne suit plus en entreprise, la passion apparaît alors comme le levier idéal pour se relancer.

Julia Leduc - Publié le 15 décembre

Entrepreneures, il est temps de parler d'argent !

Attention, loin de moi l’idée d’opposer salariat et entrepreneuriat : beaucoup s’épanouissent très bien en entreprise. Mais pour celles qui sont à bout, l'entrepreneuriat apparaît comme une réelle opportunité de vivre d’une activité qui les fait vibrer.

Toutefois, la passion n’est pas une solution magique. Elle est un moteur indispensable, qui nous rappelle pourquoi on a décidé de se lancer dans cette aventure, mais elle n’enlève pas l’effort et le travail nécessaires pour faire vivre son entreprise. Il ne faut pas la laisser nous déborder. Avant toute chose, une question fondamentale s'impose : de quoi suis-je réellement passionnée ?

1. Artisan vs. Bâtisseur : deux visions de la passion

Dans l’imaginaire collectif, on confond souvent l’entrepreneur et l’artisan. On pense que pour réussir, il faut être obsédé par son cœur de métier et qu’on ne peut se lancer dans l’entrepreneuriat que si l'on est passionné par le produit ou le service que l'on propose. Or, cette vision est incomplète. Il existe une distinction fondamentale entre deux profils :

  • L'Artisan, qui se passionne pour l'acte de faire (le produit, le service, le geste technique).
  • Le Bâtisseur, qui se passionne pour construire la structure qui vend le produit et qui est animé par la vision et la mission de son entreprise.

Cette nuance a été parfaitement illustrée par Coralie Gassama, fondatrice de Keyena, lors du forum Ambition’elles[1]. Elle expliquait ne pas être foncièrement passionnée par les semelles de chaussure de sport en elles-mêmes, mais par la mission de son entreprise : innover pour libérer les athlètes des problématiques et frustrations liées aux équipements. Comme elle, on peut être une entrepreneure passionnée sans être une technicienne du produit.

Ces deux postures sont légitimes. Que l'on soit passionné par son produit ou par la construction de son entreprise, le carburant reste le même : la passion. Mais c'est une énergie vorace dont il faut se méfier.

2. Le revers de la médaille : quand la flamme nous brûle

Quand on est passionné par son activité, on ne compte pas les heures. Au début, c'est grisant. Mais on risque vite de tomber dans un piège insidieux : celui de s’oublier et de laisser l’activité prendre le dessus sur notre vie personnelle.

Le psychologue Robert Vallerand explique très bien ce mécanisme en distinguant deux types de passions :

  • La Passion Harmonieuse : Je contrôle mon activité. Je décide quand je travaille et quand je m'arrête pour profiter du reste de ma vie. Mon entreprise est une partie de moi, mais pas tout moi.
  • La Passion Obsessive : L'activité me contrôle. Je culpabilise dès que je m'arrête, je vérifie mes mails le dimanche, je n'arrive plus à être présente avec mes proches.

Pourquoi bascule-t-on de l'une à l'autre ? Souvent, c'est parce que l'on finit par confondre sa propre valeur avec celle de son entreprise. Si l'entreprise va mal, on se sent "nul". Cette fusion émotionnelle nous pousse à en faire toujours plus pour rassurer notre ego.

Le risque est alors de glisser vers l'épuisement professionnel (aka le burnout). La passion devient une énergie vorace qui consomme toutes nos ressources mentales et physiques. Puisque cette énergie fluctue – on ne peut pas être au top tous les jours – et qu'elle peut nous brûler, il est vital de ne pas se reposer uniquement sur elle.

Pour durer, la sérénité ne viendra pas de votre cœur (qui veut toujours en faire plus), mais de la structure que vous allez mettre en place.

3. Le kit de survie

Pour ne pas tomber dans le piège de l'épuisement, il est essentiel de mettre en place des garde-fous sur deux plans : le mental et le technique.

1. Sur le plan mental : Savoir s'arrêter La passion a tendance à grignoter tout l'espace : on réduit le temps des hobbies, le temps avec ses proches... Bref, on s’oublie au profit du travail. Pour durer, il est vital d'accepter les "jours sans" et les baisses de motivation.

Cela peut se matérialiser par des créneaux bloqués dans l’agenda, par des vacances, le fait de faire du sport ou même de rester chez soi et flâner... Bref, faire quelque chose qui vous fait du bien et qui est propre à chacun. L’objectif est de prendre de la hauteur. Gardez en tête que votre entreprise ne va pas s’effondrer si vous prenez une pause. Au contraire, le vide laisse place à la créativité. En revanche, si vous vous écroulez, votre entreprise suivra.

2. Sur le plan technique : Piloter pour rassurer L'entrepreneuriat ne signifie pas "travailler gratuitement". Beaucoup d’entrepreneurs font passer l’entreprise avant eux-mêmes. Or, le fait de se rémunérer est aussi une matérialisation de sa propre valeur et du travail que l’on effectue chaque jour.

C’est pourquoi il est essentiel de passer par la case Étude de marché et Prévisionnel Financier.

  • L'Étude de Marché : Cette étape clé du business plan vous permet de vous confronter à votre marché. C'est une mine d’informations pour savoir où vous positionner. Vous allez analyser vos concurrents, leurs tarifs, les tendances du marché et votre cible.
  • Le Prévisionnel Financier : À partir de là, vous allez pouvoir établir vos chiffres. L’objectif est de détailler précisément — et j’insiste là-dessus — l’ensemble des charges : des fournitures de bureau aux logiciels en passant par l’Urssaf, car il ne faut surtout pas oublier ce que l’on doit à l’État.

Ensuite, en vous aidant des recherches de votre étude de marché, vous pourrez fixer vos tarifs (ou prix de vente) et déterminer la quantité à vendre pour être rentable et en vivre dignement.

Après l’étude de marché et le prévisionnel financier, vous aurez les outils nécessaires pour définir des stratégies claires sur le plan du marketing, de la communication, mais aussi de vos offres. En suivant chaque mois l’évolution de vos chiffres, vous serez capable de prendre les meilleures décisions pour votre entreprise, et ce, l’esprit tranquille. Voilà comment on établit un business plan solide.

Besoin d'aide pour structurer tout cela ? Vous pouvez vous faire accompagner par Action’elles, qui propose à la fois des parcours d'accompagnement au lancement de l’entreprise, mais aussi un réseau d’adhérentes dont l’expertise est justement l’accompagnement financier.